"Pornland" : enquête au vitriol sur l'industrie destructrice du porno - 24/08/2021

Violaine Des Courières

Dans « Pornland » (Libre, 2020), la sociologue Gail Dines, féministe américano-britannique, décrypte les rouages financiers de l’industrie de la pornographie. Elle analyse la démocratisation des codes du porno, ainsi que les conséquences sur les liens amoureux.

Pornland (Libre, 2020) se présente comme une topographie de la pornographie 2.0. Gail Dines, sociologue féministe américano-britannique, mène d’abord le lecteur à l’Adult Entertainment Expo, le salon de Las Vegas qui rassemble les industriels du secteur. Les financiers du secteur pornographique sont mus par la seule question de l’argent. Ils se lamentent d’être victimes de piratages et échafaudent des plans pour être plus compétitifs.

Face aux concurrents, ils tirent leur épingle du jeu en poussant toujours plus loin la logique trash et violente des scénarios. « 88 % des scènes des cinquante films pornographiques les plus loués du marché contiennent des scènes d’agressions physiques et verbales », rappelle la sociologue. Elle décrit ensuite les scènes diffusées à plein tube par les plateformes numériques. Au menu : violences racistes, humiliations des femmes, multiples agressions sexuelles et pédopornographie.

DÉMOCRATISATION DES CODES DU PORNO

Les personnages de ce territoire 2.0 ressemblent à ceux des romans de Michel Houellebecq. Sauf qu’eux ne sont pas des personnes fictives. Les actrices ont des corps distendus, élastiques, hypertrophiés. Les consommateurs ont l’esprit désabusé et désensibilisé.

Quant aux victimes collatérales, les femmes, elles perçoivent la négation progressive de leur désir amoureux et l’injonction à se conformer aux codes sexuels de la pornographie. La plupart d’entre elles se soumettent, encouragées par des magazines féminins tels que Cosmopolitan ou d’anciennes séries comme Sex and the city. Gail Dines accuse ces supports de complicité avec la pornographie. Ne véhiculent-ils pas une fausse image de l’émancipation féminine ? Une émancipation qui passe par une consommation effrénée et une adéquation totale aux désideratas sexuels masculins, au lieu de passer par l’égalité salariale et professionnelle, la culture, la position dans la société.

Des stars de la pop, telles que Paris Hilton, Britney Spears et Anna Nicole Smith – décédée en 2007 – sont des icônes de cette démocratisation des codes du porno. Pour plaire, elles présentent un corps huilé, totalement épilé et une soumission totale au désir masculin. « L’intimité et l’éveil des sens [sont] supplantés par les produits industriels dont ces hommes semblent dépendre pour leur plaisir sexuel », soutient la sociologue. La norme de la pornographie abolirait ainsi tout ce qui fait l’Amour : la tendresse, les câlins, les baisers, l’affection.

QUELLE RECONSTRUCTION ?

Cette humiliation généralisée des femmes pose, selon Gail Dines, un problème social et sociétal. Exit la culture française du respect de la femme, construite au cours des siècles. Exit aussi, la protection de l’enfance. La sociologue rappelle que 95 % des mineurs de onze ans ont déjà été exposés à des images pornographiques. L’ouvrage décrypte parfaitement la destruction des liens sociaux au bazooka du porno.

On aurait cependant aimé lire des histoires de reconstruction. Que se passe-t-il lorsque les protagonistes évacuent ces codes de leurs liens intimes ? Comment le tissu amoureux se densifie-t-il ? On aurait aimé également avoir un point de vue sur les autres penseurs de l’Amour, ceux qui restaurent le lien homme-femme. Quels sont les chantres du désir féminin et du respect de la femme ? Quelques lueurs d’espoir auraient été bienvenues. Mais l’enquête a le mérite de disséquer minutieusement les moindres rouages de cette industrie opaque.

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