La pornographie, une violence institutionnalisée - Décembre 2022

Chloé Coulombe

Andrea Dworkin, pionnière du féminisme radical, initie le mouvement antipornographie dans les années 1980 aux États-Unis. Face à une industrie en pleine expansion, elle s’indigne et dénonce le système de domination et de subordination dans la pornographie. Un système qui reflète la commercialisation abjecte d’une sexualité violente imposée aux femmes en niant leurs droits sous le prétexte d’une suprématie masculine. Bien que largement controversée lors de sa première parution en 1979, une nouvelle édition augmentée de Pornographie, les hommes s’approprient les femmes paraît dix ans plus tard. Dworkin put y étoffer son propos après s’être entretenue avec de nombreuses femmes ayant évolué dans la pornographie et ayant réussi à s’en échapper. Dworkin nous amène à prendre conscience des mécanismes de pouvoir, du sadisme et de la déshumanisation des femmes qui régissent ce système. Elle y analyse plus largement les fondements patriarcaux dans l’industrie pornographique. Ce constat est d’autant plus vertigineux lorsque l’on se rend compte qu’il modèle la perception des hommes qui en consomment. La sexualité de toute une génération est basée sur des images violentes consciemment construites autour de la femme-objet, par des producteurs en recherche de toujours plus de profit. Quarante ans après l’écriture de son livre, ces propos n’ont jamais paru autant d’actualité. En effet, l’ère du numérique a fait exploser la consommation d’images pornographiques. Des images repoussant toujours plus loin les limites de la violence et transformant la sexualité et le rapport au monde des nouvelles générations. Merci aux éditions Libre d’avoir réédité cet ouvrage incontournable. Il est plus qu’urgent de pouvoir déconstruire cette domination masculine sexualisée et ultrabrutale, totalement normalisée au sein de cette industrie qui génère des profits aberrants. Dworkin a ouvert la voie, d’autres l’ont suivie. N’attendons plus : abolissons la violence institutionnalisée, abolissons la pornographie !